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"Les enfants ramènent Dieu à l'école"

Dernière mise à jour : 12 oct. 2021


Le combat pour la laïcité, Emmanuel Macron en fait une priorité. La loi contre les séparatismes troque son nom pour loi « confortant les principes républicains ». L’année 2020 a fait ressurgir ce débat après l’assassinat de Samuel Paty, l’attaque de la Basilique de Nice ou encore « l’affaire » Mila.





« On est devenu fous » s’alarme Emmanuel Macron, dans son interview pour le média Brut. Le Président de la République évoque la folie des attaques contre Mila, adolescente qui critique l'Islam ou encore de Mennel, candidate voilée à The Voice. Plutôt que la folie, c’est la confusion face aux notions de liberté d’expression, de blasphème et de laïcité, qui règne. Les étrangers ont toujours eu du mal avec la « laïcité à la française », intraduisible dans leur langue. La confusion franchit les frontières tricolores et s’installe dans le débat public. La laïcité est pourtant inscrite dans la loi française depuis plus d’un centenaire et son idée date de la Révolution française.


Michel Laugier, directeur de l’Observatoire de la laïcité des Alpes-Maritimes rappelle l’importance de redéfinir les piliers de la laïcité. Selon lui, le principe est souvent résumé à tort aux faits de croire ou de ne pas croire, ou encore à une protection des religions. « La laïcité c’est déjà la séparation entre l’Eglise et l’Etat écrite dans la loi de 1905. Et c’est surtout la liberté de conscience, ne pas avoir une religion, en avoir une, ou en pouvoir en changer. », précise-t-il.

L’école, pilier défaillant de la laïcité ?

« Ce qui me frappe, c’est que la religion prend de plus en plus de place dans l’esprit des jeunes enfants. », constate Céline Florentino, ex-porte parole et présidente de l’association Laïcité 06. Maintenant engagée dans les Libres penseurs des Alpes Maritimes, elle témoigne en tant qu’enseignante : « Je travaille majoritairement seule en petite groupe avec des enfants et souvent Dieu surgit dans les discussions, sans qu’on sache trop pourquoi. Je suis très surprise car c’est totalement nouveau, ils ramènent Dieu à l’école ! » Pour cette militante laïque, le fait qu’ils en parlent dans le cadre de l’école marque une séparation symbolique qui n’est pas respectée. Des atteintes à la laïcité, elle en a remarquées en nombre que ce soit dans le milieu scolaire ou dans le cadre de son engagement politique : « J’ai constaté plusieurs manquements à la laïcité. Je me rappelle d’un conseil d’école où des mamans voilées se revendiquaient majoritaires et demandaient que la kermesse se tienne en dehors de la période de ramadan ».

L’attentat du professeur Samuel Paty a matérialisé une menace qui fait craindre une forme de censure de la part du corps enseignant. « Ça fait déjà des années qu’elle existe ! », déplore l’institutrice. La mission d’éducation civique de l’école est menacée. « Chez les enseignants du primaire, la situation est encore plus critique car il y a la peur des parents. Moi même, en travaillant dans les quartiers sensibles j’ai déjà eu peur surtout quand j’intervenais dans l’école où il y avait les enfants du terroriste qui a commis l’attentat du 14 juillet à Nice. », confie-t-elle.

La montée du radicalisme de toutes les religions ?

Evangélique ou islamiste, le radicalisme dans les écoles, des institutrices comme Catherine Ferrero ou Celine Florentino le constate au quotidien. « La semaine dernière, une petite fille de CP avec qui j’ai fait connaissance a tenu des propos très déstabilisants. Je lui expliquais que la semaine

d’après elle serait en groupe avec deux garçons. Elle m’a répondu qu’il n’en était pas question, car elle n’avait pas le droit. Sa maman ne voulait pas qu’elle interagisse avec des garçons. » Céline Florentino illustre avec cet exemple une montée de la religion baptiste intégriste.

Catherine Ferrero, enseignante d’une classe de CE2, a entendu ce même discours mais d’une famille de confession musulmane : « J’ai eu un élève en pleurs qui ne comprenait pas pourquoi sa camarade ne voulait pas lui adresser la parole parce que c’était un garçon. »L’atteinte à la laïcité à l’école, c’est aussi des jeunes filles qui sont interdites par leur parents d’aller à la piscine, de pratiquer du sport, de participer aux sorties et aux voyages scolaires. « La religion n’a pas sa place à l’école, d’autant plus que le dialogue avec les parents est complexe voire inexistant dans ces cas d’extrémisme là. », rapporte Catherine Ferrero, enseignante depuis une trentaine d’années dans le Var. Les manquements au principe républicain sont accompagnés d’un mépris grandissant envers l’autorité et la parole de l’enseignant : « Notre mission est de transmettre les valeurs républicaines de l’Etat mais nous ne sommes pas du tout considérés ! »


« Les jeunes ont oublié qu’en France on a le droit de critiquer toutes les religions.»

Affaire ou pas affaire Mila ? Le débat inquiète la spécialiste de la laïcité : « C’est très préoccupant. Les jeunes ont oublié ou peut-être, n’ont-ils jamais appris qu’en France on a le droit de critiquer toutes les religions. » Elle pointe du doigt un certain manquement dans l’enseignement, « c’est quelque chose qu’on a loupé, nous, enseignants », constate-t-elle dépitée. « Ils sont devenus plus bigots que leurs grands-parents ces jeunes-là. Il y a un vrai boulot à faire. » Sans vouloir être pessimiste, elle pense qu’il est tard, voire même trop tard pour rectifier le tir. « C’est un peu une génération sacrifiée. C’est toute une génération qui a intériorisé que la religion, notamment l’Islam était sacrée. », déplore-t-elle.

Dans le milieu secondaire, cela se traduit par des contestations notamment en sciences et des professeurs qui souffrent de la situation. « Les élèves qui réfutent la théorie de l’évolution de Darwin ce ne sont pas forcément des enfants d’intégristes, mais ils sont pris dans une pensée qui est souvent limite, c’est ça le problème. », relate-t-elle. Des cas comme celui dont témoigne Céline Florentino restent très minoritaires, mais « c’est leur progression qui est importante ! », souligne-t-elle. Alors quelles peuvent être les solutions ? L’éducation est la réponse pour freiner ce radicalisme religieux selon elle : « Il faut qu’ils comprennent qu’on a le droit de critiquer une religion comme on a le droit de critiquer un parti politique, c’est ça qu’il faut travailler ! »

Eloïse Esmingeaud




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